Ce qu’il faut savoir sur le lean management

Technique de management inspiré du système de production de Toyota, le lean fait des émules. Talylorisme à visage humain pour ses promoteurs, lifting du travail à la chaîne pour ses détracteurs, les avis divergent.

Les entreprises ont trouvé leur nouveau partenaire minceur: le lean management. Mince ou dégraissé, voire « au plus juste », selon les traductions, le lean fait la guerre aux gaspillages.

Le concept, qui a vu le jour à la fin des années quatre-vingts, est tout droit sorti des cerveaux de chercheurs américains du MIT (Massachussets Institute of Technology) qui se sont penchés sur la succes story du Toyota production System (TPS). Ils en ont tiré un livre devenu depuis la « bible » du lean management: Le Système qui va changer le monde (The machine that changed the world) de James P. Womack, Daniel T. Jones et Daniel Roos.

Philosophie et principes du lean

Le lean management, « c’est la participation de l’ensemble des employés d’une entreprise à la lutte contre le gaspillage en chassant tout ce qui produit de la « non-valeur ajoutée » ». C’est ce qu’Hubert Siegfriedt, directeur général de Lean Training, une agence de conseil en lean management, s’efforce de mettre en place en diagnostiquant et en conseillant les entreprises désireuses de s’y convertir -ce qui peut s’étaler sur plusieurs années.

La méthode lean cherche à identifier les « temps valeur ajoutée » dans un processus de fabrication ou de production. Pour Jean Mercier, gérant d’Alliance Conseil Management, « les opérations à valeur ajoutée permettent au produit de subir une transformation selon une spécification demandée par le client. Toute autre opération est un gaspillage au sens du lean management ». A ses yeux, « le temps valeur ajoutée ne représente que 10% par rapport au temps total de défilement ». La marge serait énorme.

Mais comment traduire concrètement les temps de non-valeur ajoutée, mesurés par les chronomètres des experts en lean? Des gestes inadéquats, des déplacements inutiles, des outils inadaptés, des positions de travail non optimales. Et les conséquences de ces anomalies: perte de temps dans la production, espaces de stockage accrus et délais de livraison allongés.

[blockquote author= » » link= » » style= »modern » target= »_blank »]Le lean se veut vertueux avec les salariés. Améliorer les conditions de travail tout en augmentant la productivité[/blockquote]

Faire toujours plus, plus vite et mieux. Mais à la différence du taylorisme qui n’en a cure, le lean se veut vertueux avec les salariés. Améliorer les conditions de travail tout en augmentant la productivité. De quoi joindre l’utile à l’agréable pour les directions d’entreprises.

Pourquoi ça marche?

De nombreuses entreprises françaises se sont déjà « converties ». Dans le secteur manufacturier et tout particulièrement l’industrie automobile -PSA Peugeot Citroën et Renault- mais pas seulement. La banque et les assurances ont suivi.

Outre la guerre menée au gaspillage, c’est la plus grande participation des salariés qui séduit les managers. Dans un article de Francine Aizicovici paru dans Le Monde daté du 30 août, le directeur des ressources humaines d’Atos Origin, Jean-Marie Simon, considère que les réunions quotidiennes du lean « permettent aux managers d’être à l’écoute des équipes ». Un cadre de PSA y assure également que « les opérateurs sont bien souvent à l’origine d’amélioration ».

Le lean introduirait donc davantage de consultations des salariés au travail. « C’est à la « base » de la pyramide que l’on voit le mieux ce qui se passe », observe Christian Semé d’ISlean Consulting, spécialisé en direction des systèmes informatiques. Plus encore, Hubert Siegfriedt considère que le lean a un impact positif sur le bien-être des employés: « La main d’oeuvre travaille différemment et avec moins de stress ». Et de poursuivre: « Des Japonais, nous avons appris la rigueur, la discipline et l’organisation logique tout en prenant le temps. Travailler à marche forcée n’a jamais été une bonne chose. » Une technique de management vertueuse qui maintiendrait même l’emploi en France, selon lui. « Le lean est entre autres un outil contre les délocalisations en réduisant les coûts. »

Le revers de la médaille

Entre l’idéal du lean et son application, l’écart peut être élevé. Les critiques concernent la division plus grande du travail, qui rend les savoir-faire des salariés moins indispensables, les dévalorise et augmente les cadences. Lisez ici plusieurs témoignages dans un article de Rue89. Le lean ne récolte guère les louanges des syndicats. Toujours dans Le Monde, un syndicaliste CFDT du comité d’entreprise de Décathlon critiquait la chasse aux moments jugés superflus. « Le but réel est que le salarié reste tout le temps à son poste… Alors que lorsqu’il se déplace, cela lui donne un petit temps pour souffler. »

La critique la plus virulente concerne les risques de troubles musculo-squelettiques (TMS) que des ergonomes du travail considèrent comme accrus avec le lean. Certains l’affirment dans le même article sur Rue89

[blockquote author= » » link= » » style= »modern » target= »_blank »]Le but réel est que le salarié reste tout le temps à son poste…Alors que lorsqu’il se déplace, cela lui donne un petit temps pour souffler.[/blockquote]

Le chronométrage et les nouveaux modes opératoires ne sont pas adaptés à tous les employés. Les différences d’âge, de corpulence et de capacités physiques ne sont pas prises en compte par le lean comme l’explique Fabien Gâche, délégué CGT chez Renault dans les colonnes de Santé & Travail. Davantage de stress, de fatigue et de maladies professionnelles. Un résultat diamétralement opposé au but originel du lean et qui ressemble à s’y méprendre au travail à la chaîne d’antan.

Sources : L’Express • Matthieu Chaumet, publié le , mis à jour le